EXCLU - William Kassouf : ''Je ne fais pas tout ça pour le fun et les caméras !'' (1/2)


EXCLU - William Kassouf : ''Je ne fais pas tout ça pour le fun et les caméras !'' (1/2)

On a discuté avec William Kassouf, le phénomène des WSOP 2016 qui nous a expliqué pourquoi il jacasse autant et nous a raconté comment il a vécu son Main Event.


Véritable star du Main Event des World Series of Poker de Las Vegas 2016, le Britannique William Kassouf s’est mis à dos certains des joueurs les plus expérimentés de la planète tout en se constituant un groupe de fans inconditionnels sur les réseaux sociaux - à coups de photomontages hilarants - et dans la vraie vie. Auteur d’un incroyable deep-run lors de ce championnat du monde 2016, cet ancien avocat a remporté près de 340.000 dollars grâce à sa 17e place.

Mais le joueur anglais a surtout marqué la compétition de son empreinte avec son débit de paroles incessant et ses expressions devenues désormais cultes ou presque - "9 high like a boss", "You have only one out, the door", "the coconuts"… Bien parti pour devenir l'une des figures emblématiques du poker mondial au cours des prochains mois, voire des prochaines années, William Kassouf a aussi connu des problèmes du côté de Las Vegas (critiques, insultes, pénalités…). Pour LivePoker, l’Anglais a accepté de revenir sur son été mouvementé et de nous parler de sa passion pour les cartes. Entretien avec un mec un peu dingue, qui parle plus vite que ses lèvres ne bougent.
 
Vous avez commencé à jouer au poker relativement tard. Comment avez-vous découvert ce jeu ?
Il me semble que c’était en 2003. Des amis m’avaient proposé de passer chez eux pour regarder un match de boxe et pour jouer au poker. Bon, je n’aimais pas particulièrement la boxe et je n’avais jamais joué au poker mais j’ai décidé d’accepter. Après tout, c’était une manière d’être sociable. On ne jouait pas d’argent, j’ai vite saisi les règles. L’ambiance était bonne, tout le monde parlait, se chambrait, montrait des bluffs… Ensuite, j’ai commencé à jouer davantage avec mes amis et surtout à les battre. A un moment, j’ai décidé d’aller jouer au casino. Je me suis mis au cash-game en 1£/1£ ou 1£/2£ mais je jouais aussi des tournois et j’ai essayé de me constituer une bankroll. Au départ, je perdais de l’argent, des centaines et mêmes des milliers de livres. J’avais un travail, je pouvais me permettre ces pertes. Je ne gagnais pas au tout début.
 
Quand avez-vous envisagé de devenir professionnel ?
Aujourd’hui, cela fait 13 ans maintenant que je joue au poker. Je commence à devenir vieux… Je dirais que je joue de manière professionnelle depuis environ 3 ans, depuis 2013. J’ai enchaîné quelques résultats sur le circuit GUKPT en participant à de nombreux satellites et en me qualifiant pour des tournois à 2000 £ par exemple. Avant mon résultat lors du Main Event à Las Vegas, je devais cumuler environ 300.000 £ de gains en tournois.
 
«Au départ mes parents ont eu du mal à accepter mon choix de devenir joueur de poker. J’avais fréquenté des écoles privées, puis l’université et l’école de droit. Quelque part, j’avais aussi honte d’avoir gâché six années d’étude mais je n’avais pas le coeur à ça.» 
 
Est-ce que votre résultat vous donne envie de participer à davantage de tournois ?
Je veux vraiment garder les pieds sur terre. Je vais continuer de jouer les mêmes parties de cash-game, de participer à des satellites… Je pense que la gestion de bankroll est quelque chose de très sous-évaluée dans le monde du poker. On voit beaucoup de joueurs réaliser un résultat énorme et ensuite perdre beaucoup en participant à des tournois à 10.000 $ ou 25.000 $. Je ne veux pas être l’un de ces joueurs. Je ne ressens pas l’envie de me montrer, d’aller affronter tous les gros joueurs. Quand je joue en cash-game, c’est que je pense avoir un edge. Dans le cas contraire, je ne vais pas aller jouer, ça n’a pas d’intérêt. L’objectif c’est de gagner de l’argent et que ce soit facile !
 
Quitter votre carrière d’avocat a-t-il été une décision facile ?
Pas du tout, mais le fait d’avoir remporté 100.000 euros lors de l’Irish Open à Dublin en avril 2009 grâce à ma place en finale a rendu les choses plus évidentes. A l’époque, j’exercais un métier très technique que je n’aimais pas vraiment. Tous les jours, je devais me lever à 6h30 pour aller travailler et prendre les transports pendant 1h30 à l’aller et au retour. Au départ mes parents ont eu du mal à accepter mon choix. J’avais fréquenté des écoles privées, puis l’université et l’école de droit. Quelque part, j’avais aussi honte d’avoir gâché six années d’études mais je n’avais pas le coeur à ça. J’avais vraiment envie d’améliorer mon jeu au poker car cela me passionnait. Je voulais trouver un meilleur équilibre entre le fait de gagner de l’argent et le plaisir. On a beau avoir un salaire annuel de 80.000 ou 100.000 euros, ça ne sert à rien si on n’a pas le temps de dépenser cet argent avec ses amis et de s’amuser. Aujourd’hui, j’ai plus de 700.000 dollars de gains en tournois. Il m’aurait fallu beaucoup, beaucoup d’années en tant qu’avocat pour gagner cette somme et beaucoup de stress également. Bien sûr, jouer au poker implique une certaine pression mais ce stress me plaît. Je ne me vois pas redevenir avocat à l’avenir.
 
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La diffusion des épisodes du Main Event sur ESPN a fait de vous la star des WSOP 2016. Comment avez-vous géré cette situation ?
Tous les jours quand je me réveille j’ai entre 300 et 400 messages sur Twitter ou Facebook, ou même sur WhatsApp et ma boîte mail. C’est assez incroyable. Je viens de lancer un nouveau site (willkassouf.com, ndlr) avec tous un tas d’informations sur moi, mes résultats, des vidéos mais aussi les articles de presse qui sont parus en réaction aux WSOP et d’autres contenus. Grâce à ce site, les gens peuvent se rendre compte rapidement de qui je suis, en tant que joueur de poker et en tant que marque. On verra bien ce qui se passe, je n’ai rien à perdre.
 
Pensez-vous que vous avez joué à votre meilleur niveau lors du Main Event des WSOP ?
Je le crois oui. Lorsque l’on affronte les meilleurs joueurs du monde, il faut jouer à son top niveau. J’ai joué comme si c’était un tournoi à 100 dollars, comme j’avais l’habitude de le faire. Je ne serai jamais allé aussi loin dans ce Main Event si j’avais joué "scared" face à des joueurs aussi forts et expérimentés que Cliff Josephy par exemple. J’ai tout fait pour ne pas penser aux paliers, pour oublier qu’on jouait pour 8 millions de dollars. J’ai joué chaque niveau et chaque jour comme ils venaient.
 
Comment s’est déroulé votre parcours dans ce Main Event ?
Ma stratégie au début consistait à jouer du Day 1 au Day 3 comme si je participais à un satellite et seulement ensuite à me mettre à jouer comme lors d’un tournoi. Finalement les premiers jours se sont très mal passés pour moi. Au début du Day 3, je devais avoir seulement 9 blindes. J’ai rapidement doublé (AK vs QQ, ndlr) et je suis donc devenu plus dangereux pour les autres joueurs avec mes jetons. J’ai terminé le Jour 3 en ayant réussi à rattraper la moyenne et ensuite lors du Day 4, j’ai marché sur la table. Au cours du Day 5, je crois que je suis devenu chipleader du tournoi alors qu’il restait environ 80 joueurs. Mes amis n’arrivaient pas à croire que j’étais premier et que Dan Colman était deuxième. C’était assez incroyable qu’un joueur comme moi se retrouve à cette position. La suite de mon tournoi, vous l’avez vu dans les épisodes du Main Event.
 
 
Comment avez-vous vécu votre médiatisation pendant la diffusion des WSOP sur ESPN ?
Je me suis vraiment éclaté et c’était également bien pour la télé. Les audiences ont grimpé. C’était beaucoup mieux que l’année dernière où les joueurs restaient cachés derrières leurs capuches et leurs lunettes de soleil sans dire un mot pendant 12 heures… Les gens me disaient qu’ils attendaient chaque semaine avec impatience les nouveaux épisodes. Je pense que c’est ce que veulent les spectateurs et les joueurs aussi. Après, il y aura toujours des personnes pour dire "Oh il parle trop, je déteste ce type…" Il y aura toujours des haters. Je me dis que ceux qui pensent ça sont juste jaloux car ils ne sont pas assez bons pour parler de leurs mains. Si mes adversaires commencent à mal me parler, à me traiter de clown, je vais juste les ignorer et garder le sourire. De manière générale, j’ai tout de même reçu énormément de messages positifs. C’est incroyable (en français dans le texte, ndlr) !
 
«Je me comporte de la même façon quand je joue un tournoi à 100 dollars ! Ceux qui pensent que j’ai fait tout ça pour passer à la télé ne peuvent pas être plus loin de la vérité. Depuis que je joue au poker, j’ai toujours agi de la sorte.» 
 
Pourquoi parlez-vous autant ? Est-ce que cela fait partie de votre stratégie ou est-ce seulement un moyen de vous amuser ?
Cela fait toujours partie de ma stratégie. Le but du "speechplay" consiste toujours à tenter de rentrer dans la tête de mes adversaires, à évaluer la force de leur main et ensuite à essayer de les persuader de payer quand ils ne veulent pas, de coucher leur main quand ils sont prêts à payer… Que j’ai les As ou bien 7-2, je m’efforce de toujours me comporter de la même manière, de répéter les mêmes choses. Si je n’ai pas le même discours en fonction des cartes que j’ai en mains, un bon joueur le remarquera. Honnêtement, je ne faisais pas tout ça pour le fun et pour les caméras. Je me comporte de la même façon quand je joue un tournoi à 100 dollars ! Ceux qui pensent que j’ai fait tout ça pour passer à la télé ne peuvent pas être plus loin de la vérité. Depuis que je joue au poker, j’ai toujours agi de la sorte.
 
Votre attitude a beaucoup agacé certains joueurs, comme vous l’avez évoqué.
Et pourtant, je ne cherchais pas à mettre mes adversaires mal à l’aise. Je ne voulais en aucun cas être ennuyant quand je répétais le même "speech", je souhaitais que ce soit marrant, divertissant. A la fin, mon but c’était que les autres joueurs se détendent, qu’ils finissent par me parler pour que je puisse tenter de récolter des informations sur leur jeu. Avec mes blagues, j’essayais toujours de susciter une réaction chez mes adversaires, que ce soit par le parole ou par le body language pour déterminer leur niveau de confiance, leur force. Est-ce qu’ils voulaient vraiment que je paye ou plutôt que je folde ? J’ai tous ces facteurs en tête lorsque je parle. Ce que j’aime dans le poker, c’est cet aspect psychologique, pas le côté flambeur. Je ne suis pas là pour jouer des flips.
 
 
Que pensez-vous d’un joueur comme Daniel Negreanu qui est un maître dans le domaine du speechplay ?
C’est mon joueur préféré. En plus d’être un joueur fantastique, Daniel Negreanu est divertissant lorsqu’il est assis à une table de poker. Il est connu pour beaucoup parler, pour tenter d’obtenir des reads sur ses adversaires, il discute de ses mains à voix haute… Ce serait un choix assez naturel pour moi. Je fais des choses assez similaires alors certains disent que je suis une sorte de version britannique de Daniel Negreanu. Je ne veux pas me comparer à lui parce que, déjà, c’est un joueur de top niveau. Et ensuite, parce que je ne pense pas que je me comporte exactement de la même manière. Il a son propre style et moi aussi j’ai le mien. Je n’essaye pas de faire du Daniel Negreanu, je fais du William Kassouf. On m’a déjà demandé quel joueur de poker je voudrais être. Sans vouloir paraître arrogant, je ne veux être personne à part moi-même. Quel est l’intérêt de copier ce que j’ai vu à la télé ? Aujourd’hui, je suis très heureux que beaucoup d’amateurs de poker s’identifient à ma réussite, à mon jeu, à mon comportement… Mais je ne suis pas sûr que j’apprécierais que des joueurs se mettent à m’imiter trait pour trait, à répéter exactement les mêmes phrases que moi à longueur de temps. Je pense que chacun doit trouver son propre style.
 
Propos recueillis et traduits par Maxime Joly
 
Retrouvez dès ce lundi 31 octobre la suite de notre interview exclusive de William Kassouf. Le Britannique reviendra notamment sur les nombreuses polémiques qui ont été soulevées au cours du Main Event, parlera de Vanessa Selbst et évoquera les expressions qui ont fait de lui une vedette.

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