INTERVIEW : Florence Allera 'Moi je ne sais pas jouer ? Je m'en fiche'


INTERVIEW : Florence Allera 'Moi je ne sais pas jouer ? Je m'en fiche'

Entretien avec une amatrice éclairée, double vainqueur de trophées PokerStars en l'espace de quelques semaines.

Après avoir enlevé le PokerStars Open à 220$ du PS Championship aux Bahamas, la Française Florence Allera a triomphé sur la Cup à 330£ du PS Festival de Londres ce week-end pour plus de 15 000 livres. L'amatrice éclairée, ancienne habituée de l'ACF, écume depuis plusieurs années le circuit français et international avec une belle régularité. Entretien avec une joueuse passionnée.

 

Quel est votre premier sentiment après cette double victoire ?

 

Evidemment, je suis ravie. Surtout que les deux tournois ne se sont pas passés du tout de la même façon. Aux Bahamas, j'ai perfé sur plusieurs tournois. Il faut dire qu'il y avait peu de joueurs donc c'était plus facile. Cela m'a mis en confiance. D'entrée de jeu, j'ai monté des jetons et je n'ai jamais été en danger. Il suffisait que je gère mon avance. A Londres, j'ai dû re-entry, et je suis revenue assez short au Jour 2. Card dead, j'ai longtemps attendu sans jouer. J'ai toujours dû batailler pour prendre une blinde.

 

C'est en finale que tout a basculé. J'ai remporté un gros coup contre un des chipleaders en trouvant un brelan floppé et en l'amenant jusqu'à payer mon tapis à la rivière. Je me suis alors dit qu'ils n'allaient plus me voir. J'ai senti mes adversaires très impatients, agacés, fatigués. Quand je me suis retrouvée en hu, je n'y croyais pas. On a dealé, mon adversaire avait un avantage considérable en jetons. Le reste, je sais que c'est de la chance. Et de la patience. Je suis super contente de ce deuxième pique, mais quelque part un peu déçue pour mon runner-up parce qu'il a très bien joué et qu'il était très sympa. Un Français très fair-play.

 

Comment expliquez-vous vos bons résultats (plus de 280 000 dollars euros de gains en MTT live)?

 

Malheureusement l'an passé, je n'ai fait aucun résultat, à part une table finale sur le High Roller du WiPT à Clichy. Les joueurs de poker font souvent l'erreur de sous-estimer ou mésestimer les autres. Je ne fais jamais cette erreur. C'est peut-être le volume qui explique mes résultats. En tout cas, ce n'est pas parce que je joue mieux. Les gens pensent que je ne sais pas jouer, je le sais et je le respecte. Je m'en fiche, je fais mon jeu. On m'a déjà dit que je jouais "comme un homme", sous-entendu que je n'ai pas peur de mettre les jetons au milieu. Pour avoir envie de gagner, tu n'as pas forcément besoin d'avoir d'ego. Je ne me considère pas comme une bonne joueuse, mais j'ai de la patience et c'est impossible de me faire tilter. Si je le suis, c'est que je joue la comédie. Je pense qu'il y a quand même une grande part de chance dans ce jeu. Et j'ai de la chance donc j'en profite.

 

 

Comment conciliez-vous votre travail (spécialiste du coaching exécutif) et votre passion pour le poker ?

 

C'est juste une question d'organisation. Il faut tout prévoir à l'avance, je ne peux pas me libérer 15 jours ou trois semaines avant par exemple. Les Bahamas, je l'avais programmé dès le mois d'octobre. Des petits tournois de deux jours sur un week-end en France, c'est possible. Je choisis aussi mes destinations par rapport aux potentielles vacances. On est toute une bande, les "Entram's", les orphelins de l'ACF, on voyage beaucoup ensemble. Macao, ca me dit mais pour l'instant je n'ai trouvé personne pour voyager avec moi. Ma prochaine destination, ce sera sûrement Monte-Carlo puis Las Vegas, pour le début des WSOP.

 

Le poker est encore un milieu très masculin. A votre avis pourquoi les femmes y-sont-elles si peu présentes ? Que faire pour y remédier ?

 

D'abord parce que c'est un jeu d'argent. Il y a beaucoup de femmes qui n'ont probablement pas les moyens. Ce n'est pas un loisir neutre. Et puis, pour quelqu'un qui viendrait pour la première fois, seule qui plus est, ce n'est pas un milieu sympathique et ouvert. Les joueurs sont assez agressifs dans leurs paroles. ça ne donne pas très envie de revenir. Si tu n'es pas sûre de toi et de qui tu es, c'est compliqué. C'est un loisir assez destabilisant pour une femme. Un bon moyen de commencer pour une femme, c'est de s'inscrire dans un club. Tu t'inscris, tu commences à jouer et puis tu te déplaces ensuite avec des personnes de ton club. Tous les milieux sociaux y sont représentés, des hommes, des femmes, des jeunes, des vieux. C'est une bonne façon d'amener les gens de façon confortable sur des tournois majeurs, et surtout pour qu'ils s'y sentent biens et reviennent.

 

L'année 2017 commence à merveille pour vous. Abordez-vous différemment votre année pokeristique ?

 

Enfin, je renoue avec la victoire après une année passée très compliquée. A Prague, j'avais même dit à mes copains : "je vais arrêter, je n'en peux plus". J'ai bien analysé mon jeu, ce qui m'a permis de le recadrer. J'ai identifié les défauts, j'ai essayé de réfléchir. Ces derniers temps, j'étais trop result oriented. Et surtout, mon ami Arnaud Peyroles m'a dit : "au poker, la chose la plus importante c'est de prendre du plaisir. Si tu ne prends plus de plaisir, tu as raison, arrête." Ca a été le déclic dans ma tête. Je ne suis pas une professionnelle, je n'ai pas besoin d'aller jouer au poker pour vivre. Ma réflexion est partie de là : comment reprendre du plaisir. Je vais continuer les tournois, mais je vais peut-être plus réfléchir à ce que je vais jouer. Jusqu'à maintenant, j'y allais et je voyais sur place selon l'humeur. Mais en vérité, je pense que ça ne va rien changer. Je suis repartie dans une bonne dynamique, je prends du plaisir et c'est cela le plus important.

 

Propos recueillis par Florence Mazet.
Crédit photo PokerStars

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