Elie Payan : «Je veux que lorsqu’on pense Omaha en France, on pense Elie Payan»


Elie Payan : «Je veux que lorsqu’on pense Omaha en France, on pense Elie Payan»

Interview exclusive d'Elie Payan, vainqueur d'un bracelet WSOP cet été à  Las Vegas.



Vainqueur surprise du second bracelet Français des WSOP 20011 en Omaha, Elie Payan s’est subitement retrouvé sur le devant de la scène du poker français. Très ambitieux, l’Orléanais de 27 ans, qui partage son temps entre la France et Las Vegas, est en quête d’un second titre majeur et d’un éventuel sponsor. Avec un deuxième bracelet en ligne de mire…

Bonjour Elie, tu as presque tout dit sur ton bracelet WSOP gagné dans le Pot Limit Omaha 1500$. Mais quelle a été la vraie clé de ton succès dans ce tournoi?

Ce qui a fait la différence, c’est le mental. On subit tous des mauvais coups très importants, il a fallu être fort mentalement pour s’en  relever et aller jusqu’au bout.

Comment as-tu géré la présence de très bons joueurs en table finale, comme Jeff Sarwer ou David Sands?

Ça ne m’a pas posé de problèmes. Je m’étais conditionné mentalement la veille pour arriver dans les meilleures conditions à la table, et ne pas me laisser impressionner par ce type de joueurs. Je me suis concentré sur le checking des joueurs de la table finale, pour identifier les spécialistes PLO, et je me suis rapidement rendu compte que Sarwer, par exemple, n’avait aucun palmarès dans cette variante. Il ne m’inquiétait pas vraiment, au contraire de Sands, qui était cependant shortstack. L’ayant joué plus tôt dans le tournoi, je connaissais son potentiel, et je savais qu’il ne fallait pas le laisser monter des jetons. Heureusement, il n’a jamais réussi à décoller. Je pense que vu la façon dont il jouait, il n’était pas là pour jouer la gagne.

As-tu eu cette démarche spécialement pour cette table finale ?

A chaque fois que j’aborde un Day 2, je checke tous les noms des joueurs de ma table sur Hendon Mob, ça me permet de partir avec un avantage : je sais tout de suite contre qui je vais pouvoir faire des moves, si je vais affronter un joueur qui va se laisser bluffer… Je vais par exemple me méfier d’un joueur qui n’a aucune ligne Hendon Mob ; dans ce cas, je vais faire particulièrement attention à lui avant de m’engager dans de trop gros pots, pour savoir à qui j’ai affaire. C’est très important pour moi. Au départ d’une nouvelle journée, les joueurs ne se connaissent pas et sont réticents à s’engager. C’est un bon moment pour monter des jetons si tu as déjà ciblé des adversaires.

«  Arriver 20 minutes en retard à une table finale, c’est assez classieux… »

Quelle anecdote te revient à l’esprit concernant les WSOP ?

La meilleure, c’est de s’être permis d’arriver avec 20 minutes de retard, à une table finale des WSOP, puis de gagner ses deux premières mains et de ship le bracelet !!! Je me dis que c’est assez classieux… Au moment, où j’ai atteint la table finale, j’ai pris une chambre au Rio, afin d’être sur place le lendemain, pouvoir me reposer dans de bonnes conditions et ne pas avoir le stress des bouchons. Mais le jour de la finale, je descends quelques minutes avant et je vois des amis dans le couloir de l’hôtel qui m’annoncent : « Ta table finale est décalée de 20 minutes, tu as le temps… » Je les crois sur parole et on va se poser à la cafeteria  des WSOP. Quelques temps après, je vois un copain qui arrive en courant et me dit que la finale a commencé depuis 20 minutes… Je décide de laisser mes sushis et sur la route, je croise ElkY, qui me souhaite bonne chance et me demande, à quelle heure commence ma finale. Je lui explique calmement que ma TF a déjà commencé et là il me dit : « Tu es fou ? Qu’est-ce que tu attends ? Cours ! » Je me suis senti un peu obligé de presser le pas pour me rendre à la TF… A mon arrivée, le speaker m’a demandé si j’étais dans les bouchons... Et je gagne ma première main en bluff...

Comment as-tu fait pour décompresser après ton bracelet et gérer ta nouvelle notoriété ? 

Il m’a fallu beaucoup de temps pour décompresser, car je n’étais pas préparé à toute cette notoriété qui me tombait dessus, que ce soit par rapport aux médias ou au public français. Des gens sont venus me solliciter, des agents par exemple. Les sollicitations au niveau de la presse ont été difficiles à gérer. Ca me demandait du temps et me mettait une grosse pression, car il ne fallait pas que je me loupe. J’étais conscient que mon image était jusque-là inexistante, et je savais que la première image que j’allais donner de moi était importante vis-à-vis du poker français. 

J’ai été un peu dépassé par les événements et la pression ne redescendait pas comme ça. Ça a été très dur. Au bout de trois jours, j’ai décidé de quitter Vegas pour aller me reposer à Miami, loin de cette ville, avant de revenir pour le PLO Championship. On se sent trop happé par le jeu à Vegas… Je ne suis vraiment redescendu de mon nuage que lorsque j’ai démarré ce tournoi.

Ce bracelet et le gain qui en a découlé a-t-il des conséquences sur tes habitudes de jeu ?

Au niveau des droits d’entrée pour les tournois, je me suis autorisé quelques buy-in plus élevés : le Main Event, par exemple, que je ne pouvais pas me permettre de rater vis-à-vis du poker français. C’était l’occasion rêvée pour moi de jouer ce tournoi. J’ai aussi buy-in le PLO Championship. Mais au moment où tu me parles, je ne me suis pas rassis sur une table de cash-game depuis mon bracelet…

Pourquoi ?

J’attends de savoir dans quelle direction j’irai avec mon futur sponsor. Ce n’est pas le moment de se poser en cash-game car je ne serai pas serein à la table. C’est un choix réfléchi, je ne sais pas quelle portion de ma nouvelle  bankroll je vais réinvestir dans le poker.

Cette victoire a-t-elle changé quelque chose dans ton quotidien hors poker?

J’ai envie de rester moi-même, de ne pas changer. Mais tous les jours, je fais un gros travail pour mieux communiquer avec la communauté du poker français. Et ça me prend beaucoup de temps ! Plus que de jouer en ce moment! Maintenant il faut que j’arrive à concilier ma vie privée, ma communication et mon temps de jeu.

« J’ai des contacts avec des rooms phares du marché français »

As-tu eu des contacts pour des contrats de sponsoring ou autres depuis ton bracelet ?

J’ai un agent avec lequel je suis tous les jours en contacts, et les choses avancent très bien. Ce choix me paraissait être une évidence car le poker reste un milieu relativement fermé, lorsque l’on débarque dans l’arène et que l’on a peu de contacts… C’était nécessaire, et aujourd’hui, j’en suis ravi même si j’ai le sentiment de passer ma vie au téléphone désormais !... Je suis en contact avec plusieurs opérateurs, des rooms phares du marché français mais aussi des plus petites rooms avec de gros projets. On a ciblé tout le monde, on a décidé de ne rien refuser pour l’instant afin que je puisse faire le meilleur choix. Une marque de boissons énergisantes, qui n’a rien à voir pour l’instant avec le poker, m’a aussi sollicité.

Te sens-tu mieux intégré dans la communauté des pros français ?

Oui, complètement. A Vegas, j’ai  été convié à de nombreuses soirées. Je connaissais déjà très bien Thomas Fougeron, Jamel Maistriaux ou Tristan Clémençon. Mais c’est vrai que pouvoir arriver et dire que j’ai gagné un bracelet, ça ouvre quelques portes et ça a toujours été un rêve. Cependant, ça n’a jamais été dans ma nature de me montrer pour me montrer. Depuis trois ans, je faisais mon chemin tout seul et je n’avais pas forcément envie de le médiatiser, n’ayant rien accompli d’extraordinaire. Maintenant, la première chose qu’on va me demander, c’est de confirmer. Et lorsque j’y réfléchis, heureusement que ne n’ai pas ship un donkament à 1000 $ en Texas Hold’em ! J’ai buy-in un 1500 $ PLO, ça montre que je savais ce que je faisais et ça contribue au fait que la communauté poker soit plus clémente avec moi. Ca impose un minimum de respect sur le résultat.

Comment travailles-tu ton jeu en Omaha ? Cette variante nécessite-t-elle un apprentissage particulier ?

Pour un débutant au Hold’em, on va lui dire qu’il faut jouer, lire des articles, regarder des vidéos… C’est pareil pour l’Omaha et les autres variantes. Il faut jouer, travailler, jouer, lire, s’informer. Et au bout d’un moment, les résultats suivent. Je ne me considère pas comme un bon joueur de cash-game en Omaha, mais j’ai envie de travailler cet aspect-là. J’attends d’en savoir plus sur mon avenir et je me mettrai peut-être au cash-game en Omaha sur le .fr.

Tu passes la moitié de l’année à Las Vegas, où tu peux jouer à toutes les variantes. Cela ne te donne pas envie d’ajouter de nouvelles cordes à ton arc ?

C’est vrai que les tables de cash-game Mixed Games aux Etats-Unis sont vraiment très belles, mais ça ne me tente pas pour l’instant. Je préfère rester concentré sur mes objectifs. On verra dans quatre ou cinq ans. Je sais que j’ai le potentiel pour gagner en H.O.R.S.E un jour, c’est un but à long terme…

Et quels sont tes autres objectifs à venir ?

A court terme, je veux signer rapidement avec un sponsor afin d’avoir un bon partenariat et gagner un autre bracelet PLO aux WSOP-Europe. Ça me fait vraiment rêver ! Si j’y arrive, ce serait une énorme consécration. J’aimerais aussi me remettre dans une condition physique optimale pour mieux récupérer de mes futurs déplacements. On a fixé de très gros objectifs avec mon agent. Je veux clairement devenir un ambassadeur Omaha sur les tournois français. Je compte m’investir sur les tournois PLO, je veux que lorsque l’on pense Omaha en France, on pense Elie Payan. Pour l’instant, disons que j’ai atteint le plus facile par rapport à mes objectifs…

Propos recueillis par Maxime Arnou


P.S : Elie Payan a terminé 16ème de l’Omaha Cup 5000 € du « Rendez-vous à Paris », au sein un field de 65 joueurs.

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